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Portraits la Galerie - Ninon Duhamel

Artiste sonore, mais aussi plasticien et performeur, Octave Courtin navigue entre la création d’instruments de musique, la sculpture et la danse, pour développer un travail expérimental qu’il définit comme « une pratique de l’entre-deux », où l’objet et le corps, le plastique et le sonore sont intimement mêlés. Imprégné des travaux de Meredith Monk, Steven O’Malley, Chris Abrahams ou encore Anne Teresa de Keersmaeker, le jeune artiste met en place des dispositifs sonores dans une esthétique sobre et minimale, faite de matériaux bruts, de gestes élémentaires et de sons épurés. Diplômé de l’École européenne supérieure d’art de Bretagne (Rennes) en 2016, Octave Courtin a présenté son travail à l’occasion de la Biennale de la Jeune Création de Houilles en 2018, ainsi qu’au Salon de Montrouge. La même année, ses œuvres ont été exposées à Mains d’Œuvres (Saint-Ouen) pour l’exposition collective « Traverser la mer sans que le ciel ne le sache » ainsi qu’au Bon Accueil, lieu dédié aux arts sonores à Rennes, pour sa première exposition personnelle

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Catalogue de la 12e biennale de la jeune création

Octave Courtin fait résonner la matière à l’aide d’instruments de musique qu’il fabrique et performe, présentés comme autant de sculptures et d’installations. Associant des matériaux industriels à ceux de la lutherie traditionnelle, il éprouve la plasticité du son en rendant sensible la vibration de l’air qui la conditionne. Chaque instrument, activé en solo ou en collaboration (avec un musicien, un chorégraphe), implique un engagement physique particulier qui souligne la matérialité de l’effet acoustique, qu’il s’agisse d’un mur de ballons gonflables ou d’une danse pour cornemuses et sacs à gravats. Son esthétique sobre et épurée est essentiellement mise au service d’une musicalité concrète, donnée à voir et à entendre dans d’infinies nuances.

Pour la performance Capharnaüm, Octave Courtin élabore un orgue d’un nouveau genre. Un système de vannes de plomberie posé à l’horizontal, reprenant la disposition d’une table de mixage, contrôle le débit d’air d’imposants ballons noirs. Relié à des anches d’accordéon montées en boîtiers, le dispositif pneumatique diffuse un son Octave Courtin de nappes électroniques, en contradiction avec sa source acoustique. Avec précaution et patience, le performeur en module subtilement la puissance comme la texture, entre sifflement et bourdonnement, vibrations continues et impacts répétés. Le décalage entre la présence massive des réservoirs d’air et les micro-différences de la matière sonore ouvre l’interstice d’une présence simplement vibrante qui en appelle à l’attention soutenue du public. L’installation présente une esthétique similaire. Des ballons noirs contrastent avec un amas chaotique de tuyaux, dont certains, comprenant des anches de bourdons de cornemuse, sont connectés à un système électronique de pompe. Par son mouvement cyclique, tel le rythme d’une respiration, cette sculpture-automate, mi-organique, mi-mécanique, double le trouble sonore d’une confusion visuelle, qui rappelle le regard du public à ses instincts animistes.

Par Florian Gaité

Catalogue du 63e Salon de Montrouge

Les installations et les performances d’Octave Courtin semblent poursuivre une réflexion que le modernisme a largement laissé ouverte sur la place de l’objet dans le processus artistique. Ses sculptures activées par le poids de son corps et la force de ses gestes créent une interaction avec l’environnement qui engage spatialement, acoustiquement et visuellement non seulement l’artiste mais aussi le spectateur. Ses dispositifs activés par sa propre présence induisent une spatialisation sonore et une implication auditive et émotionnelle, lui faisant prendre pleinement conscience du temps et de l’espace.

Octave Courtin se définit comme un artiste sonore et cette formulation insiste sur la distinction qu’il dresse volontairement entre sa pratique et celle du musicien. Si sa démarche s’inscrit dans une histoire déjà longue du traitement du son dans le contexte artistique, il est cependant fascinant de considérer la grande force plastique de son travail et l’incarnation dont ses sculptures font preuve, la pesanteur étant l’actrice principale de son travail. Cette constante évolution et l’impossible achèvement de ses propositions rendent un hommage poétique aux œuvres ouvertes telles que les définissait Umberto Eco et ce n’est pas innocent si l’auteur fait régulièrement référence au son et au mouvement pour caractériser les œuvres qui ont le rapport le plus ambiguë et le plus actif avec le spectateur et celles qui accordent le plus de liberté d’interprétation et d’émotion à ce dernier.

Le travail d’Octave Courtin manifeste l’intention de capter l’attention d’un public pas nécessairement acquis aux expériences sonores et de lui permettre ainsi d’améliorer son potentiel perceptif. Le nom de l’installation présentée, Capharnaüm, était le nom d’un village marchand de Galilée devenu synonyme d’un lieu dans lequel s’entassent de nombreux objets dans un grand désordre apparent. Ce désordre semble être ici convoqué par Octave Courtin pour évoquer l’accumulation et le déferlement sensoriel qu’il entend proposer au spectateur. Une forme de retour aux passions et aux troubles de l’âme qui n’est pas étranger à une certaine vision romantique assumé par ailleurs dans son travail.

Par Matthieu Lelièvre

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